CHEMIN DE PÂQUES
SABINE DE COUNE - ÉGLISE DE MARTELANGE
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Jésus, Toi mon Seigneur et mon Frère, Toi le Christ du Père et des Humains, Toi le Messie de tous les mondes, je veux t’accompagner du Jeudi Soir jusqu’aux premières lumières de Dimanche.
Ta semaine est aussi la nôtre et j’ai la douce impression de marcher à tes côtés.
Je te vois encore dimanche, juché sur l’âne qu’on t’a prêté, sur notre âne ; tu as même marché sur mon manteau et les ongles de ta monture y ont imprimé des marques.
Notre marche de Pâques est une route lourde, grosse de ta vie et de toutes les vies. Elle est un passage entre tes visages, celui du Serviteur pendant le repas du soir et celui de l’Esprit au matin de la Résurrection.
1er tableau : LE PAIN ET LA COUPE DE VIN
Ils sont au moins douze dans la salle du repas. Un disciple nous regarde et nous invite à entrer. Jésus vient de nous laver les pieds et son geste nous remplit d’embarras. Nous n’avons guère envie de le reproduire. La communion au pain et au vin en devient l’offrande de sa personne et la fraternité universelle qu’elle engendre accomplit les alliances de tous nos pères, même les alliances oubliées ou rompues.
Notre manducation de Parole et de Pain réalise en chacun de nous une participation à sa force d’aimer et opère une transformation de tout notre être, visible et invisible « Tu deviens en Nous et nous devenons en Toi ». La fratrie avec Pierre, Jacques, Jean, André, Thomas, Philippe, Matthieu, Barthélemy, Simon, Thaddée, Judas, Jacques, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de José, Salomé, Marthe et Marie de Béthanie, et avec moi, avec nous préfigure tous les attablements chrétiens. Même Judas fait partie de la famille.
2ème tableau : UN CHEMIN VERS LES CROIX
Une poutre qui marche. Jésus, Simon, les croyants donnent des pieds à la croix. Elle est la route de la vie et pas de la poudre d’escampette. Jésus tombe et tombe et retombe. Portons la poutre et aidons-le à ses relevailles ; ne reportons pas à plus tard. Un Royaume s’accouche. Quel est le sens de mon bonheur s’il ne porte pas, s’il n’accompagne pas ! C’est le rachat des libertés malignes, c’est la monstrueuse addition de toutes les croix, des croix en pagaille, des champs de croix, des chemins de croix.
Sur l’horizon les femmes et les filles de Jérusalem et Marie ; aux portes de la ville avec une foule de femmes en funérailles ; où sont les hommes ?
« Mais au fait, Jésus, qui t’a condamné ? »
3ème tableau : LA MORT DE JÉSUS
Il y a un groupement de visages, collusion ou collision de personnes, une assistance qui n’assiste pas, des regards fuyant l’arbre-croix, décryptant le terrible ostensoir. La vérité cachée depuis les origines va faire germer les phylactères sur les fronts religieux. Les cœurs sont transpercés. Le centurion-cavalier ne fait pas fi, une foi l’investit. Le drap de Véronique timbre le visage : sueur et sang d’icône. Les familiers le regardent et le prient.
Dos de Marie. Dos de Jean.
Dos où l’inscription de nos mystères à percer est possible.
Jean va recueillir Marie. Leurs regards vont à l’orient ; leurs cœurs sont aimantés : première ecclésiole.
4ème tableau : « VOUS LE TROUVEREZ EMMAILLOTÉ »
Avec l’horizon comme ligne de vie, la vie continue de rouler sa bosse à travers toutes les activités humaines, déroulées sur le tapis ardu de la nature où l’homme pose son geste et son campement.
Jésus est descendu de la Croix.
Il devient chrysalide sur le giron de Marie sa maman. On le dépose dans un sépulcre tout neuf. Une grosse pierre ronde vient sceller le reliquaire. La vie va-t-elle rester longtemps incluse ?
Une femme a collecté tous les insignes du martyr : la colonne et le fouet, la lance et l’éponge, la chaîne et les tenailles, le marteau et les clous. Les dés rappellent le drôle de jeu où sa tunique a été tirée au sort : barboteuse d’un bébé, tunique sans couture d’un homme, bandelettes comme Lazare et linceul à replier, tous les recouvrements de toutes les gestations. Les ailes plissées et humides sont intactes. L’envol reste possible.
Le Magnificat retentit sur toute la colline.
5ème tableau : LE DRAP EST RANGÉ
Il ne reste que le linceul presque replié comme si la chambre de l’auberge n’avait pas été occupée. La pierre était roulée, la cave ouverte. Le tombeau s’est vidé. Marie la Madeleine a déjà tout mis dans son cœur ; elle était prête depuis longtemps , elle qui n’a jamais rien pu faire d’autre qu’aimer.
Pierre est entré le premier. C’est quand même lui le premier des pairs. Jean est tout benêt de joie ; il est le ravi de la nouvelle crèche. La source n’est plus sourde.
6ème tableau : APRÈS LA RÉSURGENCE
Jésus paraît dans sa lumière intime. Il éclate et elle brille : une blancheur à nulle autre pareille comme sur la montagne.
« Apportez donc ces poissons que vous venez de prendre et venez déjeuner avec moi. »
Je suis avec vous, je mange et je m’en vais.
La petite communauté du Poisson va elle aussi surgir du Cénacle ; Jésus va empapillonner toutes nos larves, hydrater toutes nos glaises, illuminer nos ombres, rallumer les cœurs éteints.
Il ouvre l’ère du Paraclet.
Les humains vont prendre feu au brûlant buisson d’amour :
« Heureux les pauvres ! Heureux les doux ! Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ! Heureux les miséricordieux ! Heureux les cœurs purs ! Heureux les artisans de paix ! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice ! Heureux si l’on vous insulte à cause de moi ! »
Quo vadis ? « Je viens d’Emmaüs et je retourne à Jérusalem ; même les pierres n’arrivent plus à se taire ! »
Philippe Moline
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