Aux fêtes païennes qui célébraient, en Égypte, le solstice d’hiver, le 6 janvier, se rattachaient d’anciennes légendes de changement en vin de l’eau de certaines sources et de celle du Nil. Dès le 3ème siècle, les Gnostiques tentèrent de christianiser ces récits en fêtant ce jour-là le baptême du Christ. Selon leur doctrine, c’est au moment du baptême de Jésus que la divinité s’était unie à son humanité, que le Verbe de Dieu s’est manifesté en lui. Lorsque, dès la première moitié du 4ème siècle, les Églises d’Égypte commencèrent à fêter l’Épiphanie, elles joignirent au souvenir du baptême de Jésus celui de sa nativité. Il y avait là une réaction de la foi de l’Église face à la gnose : l’union de la divinité et de l’humanité dans le Christ n’est pas liée à son baptême, mais à l’incarnation du Verbe en Marie ; la naissance de Jésus à Bethléem constitue par excellence la manifestation de Dieu parmi les hommes.
Les chrétiens de Palestine se rassemblaient à Bethléem pour fêter le 6 janvier la naissance de Jésus qu’ils appelaient son épiphanie. Ils se réunissaient le soir du 5 au champ des bergers, d’où ils se rendaient dans la basilique de la Nativité. On y lisait successivement le récit de Luc et celui de Mathieu. Aucun témoignage de la fin du 4ème siècle ou du début du 5ème n’y fait allusion au baptême du Seigneur. Seul saint Épiphane, originaire de Palestine mais évêque de Salamine, évoque à pareil jour le souvenir des noces de Cana.
Selon saint Jean Chrysostome, jusque vers 386, on célébra à Antioche le 6 janvier une fête générale de la Manifestation du Seigneur : « Quel est donc l’objet de la fête ? C’est que Dieu a apparu sur terre et a vécu avec les hommes » (Sur la Pentecôte Hom. 1,1). L’introduction de la solennité du 25 décembre fit de l’Épiphanie ou Théophanie la fête du baptême du Christ.
A Constantinople, saint Grégoire de Naziance est le plus ancien témoin de la double célébration du 25 décembre et du 6 janvier. C’est lui qui introduisit la première (379), dans un contexte de réaction anti-arienne, sous le nom de Théophanie ou Nativité, y attachant l’adoration des mages. Quant à la seconde, qu’il appelle « les Lumières », elle célèbre le baptême de Jésus.
Toutes les Églises d’Occident devaient recevoir l’Épiphanie dans les années où l’Orient accueillait Noël.
À Rome, le plus ancien témoin de la fête de l’Épiphanie est le pape saint Léon le Grand (440-461), mais elle devait y être célébrée depuis déjà un demi-siècle. Au jour de l’Épiphanie, saint Léon ne parle que de la venue des mages à Bethléem, car il y voit la manifestation de Dieu fait homme aux nations païennes : « Aujourd’hui celui que la Vierge enfanta se fait connaître au monde » (Serm.13.1). « Reconnaissons, dit-il encore, dans les mages adorateurs du Christ les prémices de notre vocation et de de notre foi » (Serm. 13.4). Ultérieurement, sous l’influence d’autres régions d’Occident, l’Office romain de l’Épiphanie devait s’enrichir de l’évocation du baptême du Seigneur et du miracle de Cana, mais la messe de l’Épiphanie a conservé la tradition spécifiquement romaine de la fête de la vocation des païens à la foi au Christ Fils de Dieu, que les mages adorèrent. Il en allait de même en Afrique selon saint Augustin.
Le plus ancien témoignage sur la célébration de l’Épiphanie en Occident provient de Gaule. Selon Ammien Marcellin, le 6 janvier 361, l’empereur Julien, qui avait déjà renoncé au christianisme dans son cœur, assista encore publiquement aux fêtes de l’Épiphanie par crainte de ses soldats. Il se trouvait alors à Vienne en Gaule. Il faut attendre saint Paulin de Nole (+ 431), aquitain d’origine, pour apprendre qu’en Gaule on célébrait au jour de l’Épiphanie la venue des mages, le baptême de Jésus et le miracle de Cana. Ces thèmes devaient être développés dans les formulaires ultérieurs de la liturgie gallicane.
En Espagne, l’Épiphanie était célébrée ainsi que Noël vers 380. On y commémorait la manifestation aux mages et elle se continuait dans le souvenir du massacre des enfants. Au temps d’Isidore de Séville (+ 636), on avait joint à ce thème celui du baptême et du miracle de Cana.
C’est l’Italie du Nord qui fut la première région d’Occident à regrouper plusieurs thèmes au jour de l’Épiphanie. Si les mages y tiennent la place principale, on y trouve aussi le baptême et la transfiguration du Seigneur. Au temps de saint Pierre Chrysologue (+ 451), le miracle de Cana avait remplacé la Transfiguration.
Ajouter un commentaire