Pinker montre de manière convaincante que le déclin général de la violence est dû à l’essor de la démocratie, à l’existence d’un nombre croissant d’Etats stables, à l’accroissement des échanges librement consentis entre les peuples, aux missions de paix, à l’appartenance à des organisations internationales, au fait que la guerre ne suscite plus l’admiration, au respect croissant des droits humains, aux bienfaits de l’éducation et à l’influence accrue des femmes.
Les religions elles aussi, en véhiculant un message d’amour, contribuent au déclin de la violence, même si sur la question de la guerre elles n’ont pas toujours eu une position dénuée d’ambiguïté.
Le monde va mieux, cela n’empêche pas qu’il reste beaucoup à faire.
A côté des forces contraires au déclin de la violence que l’on trouve sous formes plus insidieuses (comme par exemple dans l’industrie du tabac qui tue 6 millions de personnes par an, la violence présente dans les medias et les jeux vidéo), la dégradation de notre environnement reste incontestablement le défi principal du XXIème siècle, dans la mesure où elle va affecter de façon majeure le sort des générations à venir et pourrait créer des conflits susceptibles d’inverser cette diminution régulière de la violence dans le monde.
« Quelle chimère est-ce donc que l’homme,
quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige,
juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur, gloire et rebut de l’univers »
(Blaise Pascal).
Pour l’auteur du livre, l’esprit humain est un système complexe de facultés cognitives et émotionnelles mises en œuvre dans le cerveau, qui doivent leur structure fondamentale aux processus de l’évolution. Certaines de ces facultés nous incitent à différents types de violence. D’autres, - « les meilleurs anges de notre nature », pour reprendre les mots d’Abraham Lincoln - nous incitent plutôt à la coopération et à la paix. Il s’agit dès lors d’identifier les changements dans notre environnement culturel et matériel qui ont permis à nos motivations pacifiques de prendre le dessus. L’auteur regroupe ainsi en six catégories les grandes tendances ou transitions qui ont contribué au renoncement croissant de l’espèce humaine à la violence :
Le passage, à l’échelle de millénaires, de l’anarchie des civilisations de chasseurs-cueilleurs et petits cultivateurs vers les premières civilisations agricoles évoluées dotées de villes et de gouvernements.
La transition, en Europe, de la fin du Moyen-Âge jusqu’au 20ème siècle, de territoires féodaux émiettés vers de grands royaumes dotés d’un pouvoir centralisé et d’infrastructures commerciales : le processus de « civilisation ».
La transition « humaniste » qui a pris son essor autour de l’âge de la Raison et des Lumières aux 17ème-18ème siècles ; époque qui a vu naître les premiers mouvements visant à abolir les formes de violence enracinées dans la société comme le despotisme, l’esclavage, la torture.
La transition de la « Longue Paix », qui a débuté à la fin de la seconde guerre mondiale et a vu les grandes puissances et les Etats cesser de mener des guerres les uns contre les autres
La transition de l’après-guerre froide, à partir de 1989, la transition de « Nouvelle Paix »
Enfin, la période d’après-guerre symboliquement inaugurée par la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948 ; laquelle s’est déclinée à travers une cascade de mouvements qui se sont constitués de la fin des années 50 jusqu’à nos jours : la transition des « Révolutions des droits » (droits civils, droits des femmes, des enfants, des homosexuels, des animaux….).
Pour Steven Pinker, l’agression est le produit de différents systèmes psychologiques qui peuvent entre en interaction les uns avec les autres : la violence prédatrice, la domination, la vengeance, le sadisme, l’idéologie. De même, si les êtres humains ne sont ni intrinsèquement bons ni intrinsèquement mauvais, ils sont par contre dotés de motivations qui peuvent les détourner de la violence : l’empathie, la maîtrise de soi, le sens moral, la raison.
Dans le dernier chapitre de son volumineux ouvrage, l’auteur tente d’identifier les forces qui peuvent favoriser nos aspirations les plus pacifiques : un Etat mondial central et une justice détenant le monopole de l’usage légitime de la force, capable ainsi de désamorcer les tentations d’attaques prédatrices, le commerce, la féminisation, le cosmopolisme et la raison.
En conclusion de son ouvrage, Steven Pinker mise sur la raison pour continuer à réduire la violence. Elle est selon lui la seule capable d’étendre notre cercle d’empathie au-delà de notre « groupe » d’appartenance, et de mettre fin à l’instrumentalisation sans bornes des huit millions d’espèces animales qui sont nos concitoyennes sur cette planète.
La « part d’ange » en nous devrait donc continuer à croître au fil du temps. Pour le bien de tous.
Philippe Moline